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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/159

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LIVRE TROISIÈME.

Que dire de la seizième, de celle qu’il n’a faite plus longue que parce qu’il n’a pas eu le loisir de la faire plus courte ? On ne la lui reprochera pas, cette longueur ; il est bien de le voir, à la fin, ne plus se tenir et déborder. Pascal, nous le savons, était au château de Vauraurier, chez le duc de Luines, lorsqu’il récrivit (décembre 1656) ; l’esprit de la solitude, écouté de plus près, l’inspire. Il venge les calomniés, les victimes ; il venge ouvertement M. d’Ypres et M. deSaint-Cyran ; M. d’Ypres dont, l’année précédente, on avait outrageusement arraché dans son église cathédrale l’épitaphe avec la pierre du tombeau ; M. deSaint-Cyran dont, cette année même, l’Assemblée du Clergé de France venait d’arracher le feuillet d’éloge dans le Gallia christiana de MM. de Sainte-Marthe[1]. Il maintient en honneur leur cause et proclame leur mémoire. J’ai joie à lui entendre proférer avec respect les noms de ces hommes dont, en ce moment, il ressaisit l’esprit d’incorruptible vigueur et de sainte colère. Les voilà nettement accusés par le Père Meynier d’avoir, il y a trente-cinq ans, formé une cabale pour ruiner le mystère de l’Incarnation, faire passer l’Évangile pour une histoire apocryphe, exterminer la Religion chrétienne, et élever le Déisme sur les ruines du Christianisme. Plus tard, M. deMaistre fera un chapitre intitulé : Analogie de Hobbes et de Jansénius[2] ; ce n’est plus de déisme chez M. de Maistre,


    chose de semblable ; leurs tyrans ont fait l’instrument de leur supplice des douceurs empoisonnées d’un enjouement cruel, et on les a abandonnés et laissés exposés aux piqûres sanglantes de la calomnie. » — On a dit de Pascal « qu’il s’est moqué des Jésuites pour l’éternité. »

  1. Ceux qui tempêtaient le plus à l’Assemblée et criaient le plus contre cet éloge étaient les premiers à demander aux auteurs des exemplaires où étaient les feuillets défendus. (Note de M. de Saint-Gilles.)
  2. De l’Église gallicane, livre I, chap. IV.