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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/172

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PORT-ROYAL.

tous les cas le même, qu’on sorte avant la visite des Commissaires ou après ; mais on aura l’air d’avoir gagné quelque chose, et avec M. d’Andilly il s’agit fort de l’honneur du pavillon.

Le Cardinal, ayant vu ce billet que lui présenta l’évêque de Coutances, le prit et le montra à la Reine, laquelle, aussitôt après, envoya le même M. de Coutances dire au secrétaire d’État, M. Le Tellier, de ne point faire exécuter l’ordre qu’on avait donné, parce que. Sa Majesté se confiant en la parole de M. d’Andilly, elle aimait beaucoup mieux que les choses se passassent avec douceur.

Cette confiance royale en la parole de M. d’Andilly, c’était le grand mot, le mot fait pour colorer l’amertume : le voilà obtenu ; le reste va s’en adoucir un peu. Les bons Jansénistes, qui racontent avec détail les rigueurs de ce moment, ne manquent pas de le relever avec une sorte d’orgueil ; ils s’arrêtent d’un air de complaisance sur ces merveilleux effets que produit la simple parole donnée par M. d’Andilly. Nous faisons comme eux, mais est-ce notre faute si nous sourions ?

M. d’Andilly, non content d’avoir écrit à M. de Coutances, s’était adressé dans le même but à madame de Guemené pour qu’elle en parlât à la Reine : madame de Guemené et madame de Chevreuse, ce furent ses deux dames auxiliaires et comme ses deux maréchaux de camp dans cette belle défense[1]

  1. Il n’était pas inutile de détacher ces dames auprès de la Reine, car il y en avait d’autres fort montées en sens contraire, particulièrement la marquise de Senecé, dévote, emportée et capricieuse, qui avait pris parti contre les Jansénistes. Elle s’était si publiquement affichée que Loret, dans sa Gazette burlesque, a pu dire :

    La marquise de Seneçay,
    Dame excellente comme on sçay.