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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/192

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PORT-ROYAL.

Cependant la certitude du miracle allait s’affermissant. Du moment que les médecins les plus autorisés témoignaient, comme ils le firent dans leur certificat du 14 avril (jour du Vendredi-Saint), qu’une telle guérison, selon eux, surpassait les forces ordinaires de la Nature, il n’y avait pour les gens de bonne volonté qu’à se précipiter du côté du mystère. La voix publique s’était prononcée ; les informations se firent dans les règles. M. Du Saussai, vicaire général et official de Paris, qui commençait la visite du monastère avec d’assez douteuses intentions, dut les modifier en présence de cette guérison qu’il enregistra[1]. Le 22 octobre 1656, M. de Hodencq, autre vicaire général, au nom du cardinal de Retz alors errant, approuva solennellement le miracle par une Sentence, et un Te Deum fut célébré. Le peuple du faubourg ne cessait d’affluer dans l’église, en même temps que les moribonds de qualité envoyaient demander le Reliquaire[2]. C’est ainsi que les miracles et guérisons par la Sainte-Épine se multiplièrent en peu de mois jusqu’au nombre de quatorze, et ensuite jusqu’au nombre de quatre-vingts. Quant au miracle primitif qui avait donné le signal, il apparaît au premier aspect, revêtu de tout ce qui peut le rendre authentique historiquement. Il fut censé avéré par tout ce qu’il y avait d’autorités médi-

  1. Hermant (Mémoires manuscrits) parle de ce M. Du Saussa comme d’un bon vieillard quasi en enfance, et qui manque de mourir de peur à chaque difficulté qu’il rencontre dans l’exercice, alors très-contesté, de ses fonctions d’official. Dans les écrits publics de Port-Royal à cette époque, il faut voir au contraire avec quel respect il est parlé de Monseigneur l’Évêque de Toul (le même M. Du Saussai) en tant qu’approbateur du miracle.
  2. La duchesse de Lesdiguières envoya quérir la Sainte-Épine et fit faire une neuvaine ; elle mourut cependant. Pour la Princesse Palatine, qui était à l’extrémité, on se contenta d’appliquer un linge qui avait touché la Sainte-Épine, et elle en revint. La prétention des Jansénistes était que le saint objet n’opérait que quand il était dans leur église, et pas ailleurs.