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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/240

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PORT-ROYAL.

pourrait résumer plus brièvement en ceci : Pascal décapité. Cette potence au bout du chemin vaut la peine de nous y diriger.

Du Jansénisme ; portrait de cette secte[1]. — De Maistre entre en matière brusquement, décisivement ; et, il faut en convenir, il entame tout d’abord la place par le côté faible, par le côté non soutenable, par cette thèse dérisoire de Quesnel contre Leydecker, d’Arnauld contre Pascal, de Pascal lui-même contre le Père Annat en ses dix-septième et dix-huitième Provinciales, et qui consiste à se prétendre Catholique romain mordicus, comme on dit, et malgré Rome :

« L’Église, dit de Maistre, depuis son origine n’a jamais vu d’hérésie aussi extraordinaire que le Jansénisme. Toutes en naissant se sont séparées de la Communion universelle, et se glorifioient même de ne plus appartenir à une Église dont elles rejetoient la doctrine comme erronée sur quelques points. Le Jansénisme s’y est pris autrement ; il nie d’être séparé ; il composera même, si l’on veut, des livres sur l’Unité, dont il démontrera l’indispensable nécessité… : il a l’incroyable prétention d’être de l’Église catholique, malgré l’Église catholique… : il n’y a’point de Jansénisme, c’est une chimère, un fantôme créé par les Jésuites. Le Pape, qui a condamné la prétendue hérésie, rêvoit en écrivant sa Bulle. Il ressembloit à un chasseur qui feroit feu sur une ombre en croyant ajuster un tigre… »

Et ici de Maistre, pour caractériser plus à son gré l’hérésie, s’empare de passages empruntés à madame de Sévigné, et les donne comme l’exposé fidèle de la théologie et du dogme janséniste ; c’est, selon lui, le secret de la famille qui échappe dans ces confidences d’une charmante mère à sa fille. Il y a bien des années déjà que nous menons le lecteur à travers Port-Royal

  1. Livre I, chap. III (De l’Église gallicane dans son rapport avec le Souverain Pontife).