Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
PORT-ROYAL.

Ce qui assaisonna, pour parler avec le Journal de Saint-Amour, le coup fourré de cette décision, c’est que les députés augustiniens, avant de partir, étant allés à l’audience du Pape lui baiser les pieds et recevoir sa bénédiction. Sa Sainteté leur témoigna combien leur conduite l’avait édifiée, et combien leurs discours l’avaient charmée ; enfin, selon l’expression officielle de l’ambassadeur de France (M. de Valençay) écrivant à M. de Brienne, secrétaire d’État, Sa Sainteté les caressa extrêmement ; et comme ils prirent confiance de lui dire qu’ils ne croyaient pas qu’Elle eût voulu, par ce décret, porter préjudice à la doctrine de la Grâce efficace par elle-même, ni à la doctrine de saint Augustin, le Pape répondit, comme avec étonnement, que cela était hors de doute : O ! questo è certo ! — Tous les mystères et les ambiguïtés de la Signature sont renfermés dans ce peu de mots. Ceux des Jansénistes qui crurent pouvoir souscrire à la Bulle en conscience, exceptèrent la doctrine de saint Augustin (c’est-à-dire, pour eux, de Jansénius), en répétant d’après le Pape, auteur de la Bulle : O ! questo è certo !

Sur ce mot que leur dit le Pape, les députés, poursuit Gerberon, avant de se retirer, « demandèrent à Sa Sainteté des indulgences, et Elle leur en donna fort libéralement ; puis ils lui déclarèrent qu’avec la grâce de Dieu, ils demeureroient toujours très-attachés au Saint-Siège et à la doctrine de saint Augustin, qui étoit celle du Saint-Siège même ; et, ayant reçu sa bénédiction, ils se retirèrent[1]. » Ils affectaient une grande joie.

Une fois dans cette voie double, le Jansénisme est perdu, et, j’ajouterai, il le mérite. Saint-Cyran, où es-tu ?

  1. Histoire générale du Jansénisme, tome II, page 146.