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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/307

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LIVRE TROISIÈME.

Non, non, je ne veux rien. Je vois que vous voulez
Être à monsieur Tartufe
Non, il faut qu’une fille obéisse à son père…
Point. Tartufe est votre homme, et vous en tâterez.
………………. Non, vous serez, ma foi, tartufiée.. ;

n’est-ce pas le lutin comique en personne qui s’acharne et ne saurait lâcher prise ? Même au moment final, l’impitoyable lutin, quasi hors de propos et quand tout est au tragique dans la maison, abuse de la circonstance et pique toujours :

Juste retour. Monsieur, des choses d’ici-bas :
Vous ne vouliez point croire, et l’on ne vous croit pas.

[1]

Ainsi Molière avec son démon : il était en proie à la muse comique. Dans ces chœurs bouffons de M. de Pourceaugnac ou du Malade imaginaire, il se mourait déjà, qu’il riait encore. La tristesse du fond n’y perdait rien, et même elle devait pour lui s’éclairer davantage de toutes ces torches folâtres convulsivement agitées.

La bonne pièce Dorine, si on se laissait aller à l’accoster et à l’attaquer (comme elle ne demande pas mieux), nous serait une belle occasion d’entrer dans le style de Molière. Dès la scène première du premier acte, ripostant à madame Pernelle, elle lâche les deux tirades qu’on sait par cœur :

Daphné, notre voisine, et son petit époux, etc. ;

  1. Madame de Sévigné aussi, qu’on veuille y songer, n’a-t-elle pas en elle sa Dorine, son lutin qui, bon gré mal gré, badine à tout propos, et même quand le reste dit qu’il ne le faut pas (par exemple, lors des exécutions sanglantes en Bretagne) ? Tout talent de forte complexion est sujet à ces sortes d’assaut :

    C’est alors que la verve insolemment m’outrage,

    a dit Regnier.