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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/319

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LIVRE TROISIÈME.

persécutera Port-Royal, avait fait le rigide pour l’enterrement du comédien, et que les os de Molière, pour tout dire, avaient été en peine, comme ceux d’Arnauld le seront tout à l’heure, de trouver une fosse où reposer.

Ainsi Molière n’a pas seulement contre lui les Subligny et les Montfleury ; Pascal ne soulève pas seulement les Brisacier et les Annat. — Ainsi une grande rumeur, un applaudissement grossi d’injures, de Maistre insultant finalement à Pascal, Bossuet (chose plus grave !) insultant à Molière, voilà les plus glorieux succès humains dans l’ordre de l’esprit, voilà dans son plus beau, et en l’écoutant de près, de quoi se compose une gloire. L’outrage a pris pied et lève le front jusqu’entre l’élite des mortels.

On en souffre, on voudrait unis par l’estime, par des égards respectueux, tous ceux qu’on admire. À titre d’honnêtes gens du moins, on les rassemble involontairement dans une sorte d’Elysée idéal, où Molière peut vénérer, comme il doit, le front sans courroux de Bossuet ; où Montaigne et Pascal contestent sans aigreur et sans mépris. On y mêle beaucoup de ces noms, à la fois glorieux et doux, ou modérément graves, et qui semblent un lien entre les autres : Racine, Despréaux, Fénelon ;

    pourtant, en ce qui concerne M. de Harlai, ils ne surfont guère. Voici un de ces couplets les plus anodins entre ceux qu’on fredonnait alors :

    Notre Archevêque de Paris,
    Quoique tout jeune, a des foiblesses,
    Et, crainte d’en être surpris,
    s’est retranché sur ses maîtresses :
    De quatre qu’il eut autrefois,
    Le Prélat n’en a plus que trois.

    Parlez-moi d’un archevêque qui pouvait dire, comme le poète petit maître Dorat, un siècle après, disait en se vantant :

    il est passé le temps des cinq maîtresses !