Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
PORT-ROYAL.

déplacer le pauvre malade, il trouva plus simple, malade aussi, de déloger lui-même.

L’union de Messieurs de Port-Royal avec Pascal, qui n’avait souffert que sur un point, se resserra dans sa dernière maladie. M. Arnauld, qui était alors obligé de se cacher, vint plusieurs fois le voir incognito ; M. Nicole de même ; et le malade se confessa plusieurs fois à M. de Sainte-Marthe, et même la veille de sa mort. Le curé de Saint-Étienne-du-Mont l’assista également. Des circonstances de médecine et de régime firent qu’on remit longtemps avant de lui administrer le Saint Viatique, qu’il réclamait avec ardeur. Enfin, lorsqu’on jugea qu’il n’y avait plus à tarder, le curé, entrant après minuit dans sa chambre avec le Saint Sacrement, lui cria : Voici Celui que vous avez tant désiré ! L’agonisant, réveillé à cette parole, retrouva des forces, et se souleva seul à demi pour recevoir avec plus de respect le divin Consolateur.

Ainsi mourut, dans un ravissement de joie, celui qu’on se figure plein de tristesse. Il y a dans cette fin de Pascal, comme dans les derniers chapitres de ses Pensées[1], une langueur brûlante, une complaisance à la douleur, qui est le caractère de la passion même ; il est tendre et enivré. On s’étonne de rencontrer, sous une forme si austère, des délices que les hommes cherchent ailleurs et qui passent. Lui, il trouva les siennes dans Jésus-Christ. Sans faire injure aux pages qu’on a publiées de lui sur l’Amour, il est trop clair qu’il n’a jamais mis son âme dans une créature ; il n’a aimé de passion que son Sauveur. Aussi, lorsque, mourant, il jouit de son mal ; lorsqu’à la nouvelle de l’Ami qui s’approche, il se soulève de son lit d’agonie et voudrait recevoir le bien-venu

  1. Voir surtout le chapitre intitulé le Mystère de Jésus (Édition de M. Faugère, tome II, page 338).