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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/38

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PORT-ROYAL.

nal, et l’étourdissement des Jésuites au lendemain du coup.

On peut maintenant se bien figurer la conjoncture générale au dehors, et le fond de l’horizon si chargé de toutes parts, si menaçant contre Port-Royal lorsqu’au commencement de 1656, les Provinciales vinrent à éclater. Il ne reste qu’à définir la circonstance particulière qui leur donna naissance, et ce qu’on appelle l’affaire d’Arnauld en Sorbonne.

Après l’acceptation en France de la Bulle d’Innocent X, Arnauld avait paru se résigner en silence. Il y avait même eu, par l’entremise de M. d’Andilly et de l’abbé de Bourzeis près du cardinal Mazarin, un projet de trêve et d’armistice : Port-Royal s’engageait à se taire, si les adversaires ne recommençaient pas. Mais le Père Annat et consorts rompirent bientôt ce silence. On s’en plaignit à Mazarin, à qui tout cela ne devait sembler qu’un jeu d’osselets après la Fronde. M. d’Andilly lui fit passer sous les yeux une pièce de vers latins injurieuse, qui se débitait au Collège des Jésuites. On y appelait les Jansénistes des grenouilles du Lac de Genève,

Rana Gebenneis prognata paludibus ! …

Mazarin prétextait ignorance de l’auteur. Cette situation par trop naïve ne pouvait durer, et Arnauld, dégagé à son

    voir. — Il se tint toujours debout et nu-tête ; et M. l’abbé de Bourzeis qui étoit présent le loua de sa grande bonté devant lui, et encore plus dans son absence, de ce qu’il nous avoit si bien reçus. Nous en étions étonnés nous-mêmes, et de ce qu’il paroissoit trouver bon que nous prissions la liberté de le contredire et de parler plus haut que lui. Ceci arriva le lendemain des Rois, le jour que le Pape Innocent X mourut (7 janvier 1655). » — (À propos de la citation latine de Mazarin, on peut remarquer que, sans être inexacte, elle est composite, formée en partie d’un verset de l’Épître de saint Paul aux Hébreux, XIII, 17, et de la fin d’un verset de la première Épître de saint Pierre, II, 18.)