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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/386

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PORT-ROYAL.

plus dans le détail et dans la familiarité des choses), je vous dirai, Madame, que j’ai examiné les corrections avec un front aussi rechigné que vous auriez pu faire ; que j’étois aussi prévenu et aussi chagrin que vous contre ceux qui avoient osé se rendre de leur autorité privée et sans votre aveu les correcteurs de M. Pascal ; mais que j’ai trouvé leurs changements et leurs petits embellissements (il y tient) si raisonnables, que mon chagrin a bientôt été dissipé, et que j’ai été forcé, malgré que j’en eusse, à changer ma malignité en reconnoissance et en estime pour ces mêmes personnes, que j’ai reconnu n’avoir eu que la gloire de monsieur votre frère en vue, en tout ce qu’ils ont fait. J’espère que M. Périer et vous en jugerez tout comme moi, et ne voudrez plus, après que vous aurez vu ce que je vous envoyé, qu’on retarde davantage l’impression du plus bel ouvrage qui fut jamais. Je me charge des Approbations et de tout le reste : que ne ferois-je point pour de tels amis que vous !
« Si j’avois cru M. de Roannez et tous vos amis, c’est-à-dire M. Arnauld et M. Nicole, qui n’ont qu’un même sentiment dans cette affaire (quoique ces deux derniers craignent plus que M. de Roannez de rien faire qui vous puisse déplaire, parce que peut-être ils ne sont pas aussi assurés que M. de Roannez dit qu’il l’est, que vous trouverez bon tout ce qu’il fera) ; si, dis-je, je les avois crus, les fragments de M. Pascal seroient bien avancés d’imprimer. Il est assurément de conséquence de ne pas retarder davantage l’impression, et je vous supplie, en nous envoyant la copie des deux cahiers qui nous manquent…, de nous envoyer aussi une permission de mettre cet ouvrage sous la presse… »
« On n’a pas fait une seule addition. Vous avez regardé le travail de M. de Roannez comme un grand commentaire, et rien n’est moins semblable à ce qu’il a fait que cette idée que vous vous en étiez formée.
« Je ne parle point des pensées qu’on a retranchées, puisque vous n’en parlez pas et que vous y consentez ; mais je vous dirai pourtant que j’en ai fait un petit cahier que je garderai toute ma vie comme un trésor, pour me nourrir en tout temps, car je ne voudrois pas laisser perdre la moindre chose de M. Pascal[1]… »

  1. Je possède un petit cahier tout pareil à celui dont parle