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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/430

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PORT-ROYAL.

Pascal commence : il dit d’abord ce qu’il pense des preuves auxquelles on recourt ordinairement, des preuves métaphysiques, géométriques, ou de celles qu’on tire de la vue des ouvrages de la nature. Sans les exclure, il ne les croit pas essentielles et efficaces, véritablement adaptées au cœur de l’homme :

« Je n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles ou l’existence de Dieu, ou la Trinité, ou l’immortalité de l’âme, ni aucune des choses de cette nature ; non-seulement parce que je ne me sentirois pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connoissance sans Jésus-Christ est inutile et stérile. Quand un homme seroit persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, éternelles et dépendantes d’une première Vérité en qui elles subsistent et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverois pas beaucoup avancé pour son salut. »

Il dit de ces preuves métaphysiques que tout le monde n’en est pas frappé, et qu’à ceux même qui le sont (ce qui est le très-petit nombre), elles ne servent que pendant l’instant de la démonstration ; car, une

    qui exagère volontiers ce qu’il traite, a prétendu que, sans le salon de madame de Sablé et sans la mode des Maximes qui y régnait, on n’aurait pas eu le livre des Pensées de Pascal (voir Madame de Sablé, 1854, page 93). C’est bien le même homme qui a prétendu qu’on n’aurait point les Caractères de La Bruyère sans le Recueil de quelques Portraits de société qu’on a de la grande Mademoiselle et de son monde, comme si ces Portraits sans importance dans le public, et nés eux-mêmes d’une mode générale, avaient eu l’influence de créer un genre. Pascal a-t-il jamais joué, un jour ou l’autre, à ce jeu de Maximes qui occupa dans un temps le salon de madame de Sablé ? c’est une question oiseuse et à laquelle on n’a pas de réponse. Ce qui est certain, c’est que ses Pensées sur la Religion et sur les Miracles proviennent d’une source et d’une inspiration qui n’a aucun rapport avec les curiosités de ce monde-là. Mais rien n’empêche qu’il n’ait pu, un jour, céder aux instances qui lui furent faites et exposer son plan d’ouvrage dans ce salon, devant quelques auditeurs d’élite.