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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/434

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PORT-ROYAL.

prit ; car ils vouloient échauffer, non instruire. Saint Augustin de même. Cet ordre consiste principalement à la digression sur chaque point qui a rapport à la fin, pour la montrer toujours. » Ainsi tout le propos de Pascal est dirigé à la fin, à la conclusion pratique et vivante. Il parle à la raison, sachant bien que c’est à un autre que l’homme de toucher le cœur ; mais il tâche d’ouvrir et de tourner cette raison de l’homme, de telle sorte que le rayon d’en haut qui doit venir au cœur n’ait plus qu’à passer par cette ouverture bien ménagée : ouverture dont le divin rayon, sans doute, n’a pas besoin s’il veut être invincible, dont pourtant il se sert volontiers s’il la trouve, et que souvent il attend. — « Ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés ; mais ceux qui ne l’ont pas, nous ne pouvons la leur donner que par raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut. — Qu’il y a loin de la connoissance de Dieu à l’aimer ! »

C’est dans ces termes donc et dans ces principes, non point par la voie ardue et hasardée de la certitude métaphysique, mais dans les termes de la créance morale commune, que Pascal entame son œuvre ; j’en reprends et j’en suis l’idée, d’après la conversation qu’on a recueillie.

Il aborde l’homme et le saisit tel qu’il est, e medio, sans lui rien retrancher ; et il en donne une description, une peinture, où il n’oublie rien de ce qui le peut faire connaître en tous les sens, depuis l’extrême horizon, qui est son cadre aux jours glorieux, jusque dans les moindres replis de son cœur sordide. Quelle entrée en matière ! Quelle Genèse véritablement et grandement philosophique !

« La première chose qui s’offre à l’homme, quand il se re-