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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/452

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PORT-ROYAL.

philosophies. Ce Dieu dont tout le monde parle n’aurait-il, en effet, laissé, pas plus dans les sanctuaires que dans les écoles, aucune marque sensible de lui ? — Ici serait venue une énumération des principales religions connues, celle de Mahomet, celle des anciens Grecs et Romains, celle des Égyptiens, celle de la Chine. — Aucune de ces religions ne satisfait l’homme de Pascal, pas plus que tout à l’heure ne l’ont satisfait les philosophies. Leur morale, qu’il examine principalement, le choque ou le révolte ; car enfin il sait déjà ce qu’une religion, pour être bonne, doit unir et concilier : « Il faudroit que la vraie religion enseignât la grandeur, la misère ; portât à l’estime et au mépris de soi, à l’amour et à la haine. » Au lieu de cela, dans ces foisons de religions qu’il parcourt, toutes lui paraissent développer, exagérer, plus encore que n’osaient faire les philosophies, certaines portions isolées de l’homme, et en méconnaître, en supprimer d’autres parties ; et il en résulte, le plus souvent, des monstruosités tout horribles, des pratiques toutes criminelles. L’horreur le saisit. Où donc est l’asile ? et n’a-t-il donc qu’à se donner la mort ?

Alors seulement, et quand il se voyait encore une fois à bout, ayant aperçu dans un petit coin du monde un peuple particulier séparé des autres peuples, et possesseur des plus anciennes histoires qu’on ait, la rencontre de ce peuple l’étonne et l’attache par quantité de choses merveilleuses et singulières qui y paraissent : il ne le quitte plus.

Ce peuple est gouverné par un livre unique, qui comprend tout ensemble son histoire, sa loi, sa religion. Sitôt que l’homme en peine a ouvert ce livre, il y apprend que le monde est l’ouvrage d’un Dieu ; que ce Dieu a créé l’homme à son image, et a imprimé en lui une ressemblance de sa souveraine grandeur. Cette idée pre-