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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/494

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PORT-ROYAL.

des autres, quand ils sont sans maître et sans conduite ; et, lorsqu’on en met plusieurs ensemble, il s’en trouve toujours quelques-uns dont le Démon se sert pour jeter dans les cœurs des autres par quelque action ou par quelques paroles (principia moriturœ castitatis) de malheureuses semences de toutes sortes d’iniquités.
Je puis dire après saint Jean Chrysostome que tout le monde voit cet embrasement qui consume presque toute la jeunesse, mais que presque personne ne travaille à l’éteindre ; personne n’en gémit sérieusement, personne ne s’en intéresse ; car il n’y a rien dont on soit si peu intéressé dans le monde que la perte des hommes.
La charité de M. de Saint-Cyran, » étant catholique et universelle comme sa foi, se répandit sur ces petites âmes qui sont si abandonnées ; et, comme Jésus-Christ a versé son sang pour leur salut, il se fût estimé très-heureux de donner sa vie pour les secourir. C’est cette charité qui lui donna le dessein de procurer ces Petites Écoles, dont voici les maximes. »

Ces maximes, nous les avons dites. On s’attachait à ne choisir pour maîtres que des personnes dont on connaissait la piété, la capacité, la discrétion et le désintéressement. Le seul motif pour accepter cette charge devait être la charité ; le seul but, de conserver dans les enfants la Grâce du baptême. Pour les garantir des vives images d’alentour, et de ce qui se montre à découvert et de ce qui se glisse insensiblement, on tâchait, dans les Petites Écoles, d’éloigner de la présence des enfants tout ce qui leur pouvait nuire ; on avait soin qu’ils n’entendissent et ne vissent jamais rien qui pût blesser la modestie et la pureté délicate de leur âme. Mais, tout en prolongeant chez eux cette chaste ignorance et cette heureuse simplicité, on s’efforçait de les avancer dans la vraie connaissance, et de leur insinuer l’amour des biens éternels ; on employait tout ce qu’on avait d’industrie (mot aimable) pour éclairer tellement leur esprit, qu’ils ne discernassent en quelque sorte le mal qu’à tra-