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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/589

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LIVRE QUATRIÈME.

et qui par leur attache à la bonne cause marchaient plus ou moins dans la ligne des Bignon.


    sées à Colbert vers la fin de l’année 1663, on lit à l’article Benoise, ce signalement : « Homme de bien, sans intérêt, estimé dans sa Compagnie et particulièrement de M. le Premier Président (Lamoignon) ; est sûr et ferme ; aime sa famille, est très-particulièrement lié avec M. de Brillac, son beau-frère ; n’a nulle déférence pour la Cour, au contraire s’oppose presque toujours à ce qui en part ; son clerc a quelque pouvoir sur lui. » — Si son clerc le menait un peu, Port-Royal le menait beaucoup lui et les siens ; on se rappelle la lettre de mademoiselle d’Aumale, qui a été donnée précédemment, page 71. — C’est le même M. Benoise qui mourut le 4 novembre 1667, et qui ordonna par son testament que l’on portât son cœur à Port-Royal. Mais comme les religieuses étaient prisonnières en ce temps-là dans leur maison des Champs, l’archevêque, M. de Péréfixe, empêcha que la volonté du défunt fût exécutée, et donna de grands ordres aux gardes pour veiller à ce que les religieuses n’en eussent pas seulement connaissance. Ce ne fut qu’après la paix rétablie et très-affermie, le 26 juin 1671, que M. Benoise son frère (toute cette famille était dévouée à Port-Royal) apporta ce cœur fidèle enfermé dans un cœur de plomb. — (Il y a bien quelque difficulté à ce qu’un conseiller-clerc, mort en 1667, ait été élève des Écoles de Port-Royal : cela suppose qu’il était jeune quand il mourut. Nos auteurs n’entrent pas dans ces sortes d’éclaircissements, et il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’on se perdît un peu dans tous ces Benoise.) — Je lis sur l’un d’eux, mort en avril 1699, cette notice dans une lettre de M. Vuillart à M. de Préfontaine, du 14 du même mois :
    « Le vénérable vieillard M. Benoise, ancien conseiller au Grand-Conseil, vient d’aller à Dieu dans sa 83e année, aussi plein de mérites que de jours. Il jouissoit d’une santé parfaite. Il étoit exempt de toute incommodité. C’étoit la vieillesse la plus verte et la plus vigoureuse. Mercredi dernier, 8e du mois, il alla de son pied rendre visite à M. Le Peletier, le ministre, aux Chartreux où il passa tout le carême, comme à son ancien ami et tout proche voisin. On ne dit pas qu’il se soit trouvé incommodé de cette course. Dès le lendemain matin néanmoins il fut si fortement saisi d’apoplexie qu’il perdit connoissance. On envoya quérir son confesseur à sa paroisse, qui étoit Saint-Gervais. Au son de sa voix, il ouvrit les yeux et sourit, sans pouvoir parler. S’il lui restoit un peu de connoissance, pour cela, ou non, on ne le sait pas ; mais elle ne revint point, et il mourut sans qu’elle fût revenue un seul moment, samedi matin, ayant été au même état environ deux fois vingt-quatre heures. Sa vie étoit depuis longues années très-exemplaire et très-innocente. Je crois avoir appris qu’elle l’avoit toujours été, et qu’il avoit fait des actions de vigueur dans l’exercice de sa charge pour l’appui de la justice. C’étoit