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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/617

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APPENDICE.

avoit aimé beaucoup. Ce fut (sans citer que très-peu les Pères) la substance et comme le tissu de tout ce qu’ils ont de plus beau, plus fort et plus décisif, fondé sur l’Écriture, qu’il possède admirablement. Vous concevez sur cela, Monsieur, le désir de l’entendre. Vous l’entendrez, si Dieu nous donne la consolation de vous voir après Pâques ; car on croit qu’il continuera de prêcher dimanches et fêtes jusqu’à la Pentecôte. »

Un autre Oratorien, le Père Maur, brillait dans la chaire à la même date, et ses débuts semblaient balancer ceux de Massillon ; le Père Maur n’a pas tenu depuis tout ce qu’il promettait et son nom n’a pas surnagé, mais on faisait alors de l’un à l’autre des parallèles :

« Ce jeudi 4 mars 1700. — Dieu fait primer encore hautement, cette année, les Pères de l’Oratoire dans le ministère de la parole, le Père Hubert à Saint-Jean, le Père Massillon à Saint-Gervais, le Père Guibert à Saint-Germain de l’Auxerrois, le Père de La Boissière à Saint-André, le Père de Monteuil à Saint-Leu, le Père Maur à Saint-Étienne du Mont. Il y en a d’autres encore : mais voilà ceux qui ont le plus de réputation ; et ceux qui brillent davantage sont le Père Massillon et le Père Maur, Provençaux. Le premier, d’environ trente-quatre ans, a l’air mortifié et recueilli, une grande connoissance de la religion, beaucoup d’éloquence, d’onction, de talent pour appliquer l’Écriture. Le second, d’environ trente-deux ans, a une belle physionomie, l’air fin, le son de la voix plus beau et plus soutenu, l’action plus agréable, une prononciation charmante, a puisé le christianisme dans les mêmes sources, car ils ont les mêmes principes et ont même étudié ensemble et de concert. Deux choses le font emporter au Père Massillon sur le Père Maur : le grand succès qu’il eut l’Avent dernier qu’il prêcha devant le Roi, et l’avantage de la chaire de Saint-Gervais qui est au milieu de la ville, au lieu que celle de Saint-Étienne en est à une des extrémités et qu’il y faut grimper ; joint que l’on convient qu’encore que le Père Maur ne manque pas d’onction ni de pathos, le Père Massillon en a davantage. Les chaises de Saint-Gervais sont louées quinze sols ; les moindres, douze. Mais la paroisse a bien des gens de qualité et des gens riches, au lieu que Saint-Étienne n’en a que peu en comparaison et qu’il a le désavantage de la situation. Les loueuses de chaises se sont donc humblement réduites à n’en prendre que quatre sols. »

Le bon M. Vuillart a bien de la peine à se décider entre les deux ; le prix même des chaises, assez significatif dans son inégalité, ne lui paraît pas concluant : il tient tant qu’il peut pour celui qui prêche dans son quartier à lui, et qu’il est le plus à portée d’entendre. Toutefois on sent qu’à la fin la balance l’emporte pour le plus grand des deux orateurs sacrés :

« Ce jeudi li « mars 1700. — J’ai entendu hier le Père Massillon, qui repose le mardi, au lieu que le mercredi est le repos du Père Maur. Le dessein de leurs sermons étoit le même : car le Père Maur avoit pris par avance l’Évangile d’hier. Voici leur commune division : La crainte de la méprise dans la vocation et la nécessité d y consulter Dieu et ses ministres pour l’éviter, premier point : et le second fut le danger de la méprise, la-