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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/634

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PORT-ROYAL.

p. 477.) Le docteur de Sainte-Beuve, au contraire, était maître en ce genre d’escrime sorbonique : il avait la parole en main et un vaste fonds de doctrine.

LE PÈRE VAVASSOR ET LE PÈRE RAPIN.

(Se rapporte à la page 528.)

Le duel de ces deux Jésuites n’est pas sans intérêt pour nous, MM. de Port-Royal ont eu affaire à l’un et à l’autre : il n’est pas indifférent de voir comment ils se sont traités entre eux.

Le Père Rapin nous représente bien l’esprit littéraire des Jésuites dans ce qu’il avait de plus facile alors, de plus poli, de plus honnêtement mondain, — l’esprit de collège le plus émancipé et le plus orné de tout ce qui s’acquiert. Le Père Bouhours, son compagnon habituel, passait un peu la mesure par le trop de coquet et de sémillant ; « il ne savoit bien que le françois, » disait l’abbé de Longuerue. Le Père Rapin avait professé durant plusieurs années les Belles-Lettres. Il était de cette société de personnes choisies qui s’assemblaient toutes les semaines chez le Premier Président de Lamoignon pour y tenir des conférences académiques ; on y traitait des sujets de littérature, on y lisait des discours. Pellisson y prononçait un discours sur Homère : c’est là que le Père Rapin essaya son parallèle d’Homère et de Virgile, et probablement les autres exercices du même genre où il se plaisait. Il publia au fur et à mesure ses comparaisons et observations, ses Réflexions sur la Poétique, de 1669[1] à 1674 et dans les années suivantes. C’était, avant tout, un bel esprit qui faisait bien les vers latins, et c’est par là qu’il avait débuté dans la réputation : on avait fort admiré son Poème des Jardins (1665), et on le célébrait dès lors de confiance plus qu’on ne le lisait. Il se hasarda d’écrire en français, dit Bayle, et il y réussit admirablement. L’abbé de La Chambre, faisant allusion à son mélange de littérature profane et de litté-

  1. J’ai sous les yeux le Discours académique sur la comparaison entre Virgile et Homère, récité le 19 août 1667 dans l’Assemblée qui se fait chez Monseigneur le Premier Président (in-4o, 1668). Dans une Dédicace que fait un anonyme au Premier Président, il est dit que cette publication est une sorte de larcin, qu’elle est faite sur une copie dérobée à l’auteur, et pendant l’absence du Père Rapin qui était pour lors à Rome. Celui-ci, à son retour, donna une seconde édition revue (1669).