Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
LIVRE TROISIÈME.

violemment ; jusqu’à ce qu’il vienne un Pape qui écoute les deux parties et qui consulte l’antiquité pour faire justice.
« Aussi les bons Papes trouveront-ils toute l’Église en clameurs[1]. » —
« Si mes Lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le Ciel.
« Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello[2],
« Vous-mêmes êtes corruptibles.
« J’ai craint que je n’eusse mal écrit, me voyant condamné ; mais l’exemple de tant de pieux écrits me fait croire au contraire. Il n’est plus permis de bien écrire. « 
Tant l’Inquisition[3] est corrompue ou ignorante !
« — Il est meilleur d’obéir à Dieu qu’aux hommes.
« — Je ne crains rien, je n’espère rien. Les Évêques ne sont pas ainsi. Le Port-Royal craint, et c’est une mauvaise politique… »
« Je ne crains pas même vos censures[4]… »

  1. Domat, l’ami intime de Pascal, et qui suivit son opinion dans tous ces débats, s’écriait souvent : « N’aurai-je jamais la consolation de voir un Pape chrétien dans la chaire de Saint-Pierre ! »
  2. De telles pensées font plus que contre-balancer celle-ci, qui ne se trouve pas dans les premières éditions de Pascal et que Desmolets publia en 1728 (Continuation des Mémoires de Littérature, tome V, partie II, page 319) : « Le Pape est (le) premier. Quel autre est connu de tous ? quel autre est reconnu de tous, ayant pouvoir d’influer (M. Faugère lit ; d’insinuer) par tout le corps, parce qu’il tient la maîtresse-branche qui influe (s’insinue) partout ? » Pascal, du moins à partir de 1660, mettait volontiers la cognée à cette maîtresse-branche. — Il y a une terrible parole de Luther : il disait qu’il devrait y avoir contre la Papauté une langue à part dont tous les mots fussent des coups de foudre. Dans les plus fortes de ces paroles finales de Pascal et de Saint-Cyran, le coup de foudre nulle part n’a éclaté ; mais, en écoutant bien, ne semble-t-il pas qu’on l’entende sourdement gronder dans le nuage ?
  3. Le tribunal de Rome ainsi nommé.
  4. Je supprime sur cette fin ce qui n’est pas assez clair. Quoi qu’il en soit, le sentiment qu’exprime ici Pascal en son nom privé : Je ne crains rien…, rentre bien dans celui de la XVIIe Provinciale : « Ainsi, mon Père, j’échappe à toutes vos prises. Vous ne pouvez me saisir, de quelque côté que vous le tentiez. Vous pouvez bien toucher le Port-Royal, mais non pas moi… » Pascal, en effet, eut