Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
BÉRANGER.

à faire, parmi tant d’autres, entre Paul-Louis Courier et lui, que ce peu de goût pour les jeux désastreux du conquérant. Le Roi d’Yvetot exprima, dès 1813, cette pensée d’opposition pacifique. Horace, en présence de guerres insensées, ne sentit pas autrement.

L’influence des ouvrages de M. de Chateaubriand sur le jeune Béranger fut prompte et vive. Ils lui indiquaient, par leur sentier quelquefois laborieux, un retour au simple, à l’antique, aux beautés de la Bible et d’Homère. Aussi, quand le poëte, dans sa chanson adressée à l’auteur du Génie du Christianisme, s’écrie :

Ta voix résonne, et soudain ma jeunesse
Brille à tes chants d’une noble rougeur !
J’offre aujourd’hui, pour prix de mon ivresse.
Un peu d’eau pure au pauvre voyageur,


il ne fait que rendre témoignage sincère d’une impression éprouvée par lui à cet âge de rêves épiques, lorsque, attendant l’heure d’aborder son Clovis, l’auteur futur des Clefs du Paradis et du Concordat de 1817 traitait en dithyrambe le Déluge, le Jugement dernier, le Rétablissement du Culte. Nous avons sous les yeux une quarantaine de vers alexandrins intitulés Méditation, datés de 1802, et empreints d’une haute gravité religieuse ; Béranger les avait composés par contraste avec la manière factice de Delille dans son poëme de la Pitié. Ce goût du simple et du réel le conduisit à un genre d’idylle qu’il mit à exécution, et dans lequel il visait à reproduire les mœurs pastorales, modernes et chrétiennes, en les reportant vers le xvie siècle, et