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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/243

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d’être chrétien, en l’étant un peu différemment et en gardant dans sa veine un reste du sang des Machabées.

La vie polémique et doctrinale de M. de La Mennais se peut diviser déjà en deux parties tranchées durant lesquelles il a poursuivi le même but, mais par deux procédés contraires. Il a été frappé, avant tout, de l’état d’indifférence en matière de religion, de la tiédeur égoïste et de la corruption matérielle de la société ; tout son effort a tendu à rendre la vie et le souffle à ce qu’il voyait comme un cadavre. Il s’est mis, dès le premier jour, à vouloir ressusciter moralement et spiritualiser de nouveau ce grand corps. Telle est la vraie unité de la vie et de l’œuvre de M. de La Mennais ; seulement il a employé à cet effet deux méthodes bien opposées. Frappé d’abord de l’indifférence religieuse et de l’inertie froide où croupissaient les premières couches de la société, il a désespéré de toute cette masse, si on n’y faisait descendre l’esprit et la purification par en haut, c’est-à-dire par les gouvernements, et, au delà des gouvernements, par le Saint-Siège. Il n’a jamais eu pour les gouvernements une estime bien décidée ; il ne les a considérés à son premier point de vue que comme un canal possible de transmission, et, dans le cas où ils se refuseraient à transmettre la doctrine supérieure, il les a dénoncés comme un obstacle : on se rappelle les belles invectives du premier tome de l’Indifférence. Mais, avec le temps, M. de La Mennais est venu à comprendre que non-seulement les gouvernements se refusaient à transmettre la doctrine antique à la fois et régénératrice, mais que le Saint-Siège se refusait à la verser