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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/257

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étonnante, que celle qui raye d’un trait de plume et renvoie comme à néant tout le passé d’une telle vie, et qui fait qu’à plus de cinquante-trois ans on en recommence une nouvelle, — à beaucoup d’égards une contraire, — avec toute la ferveur de la jeunesse, avec tout le dégagé et tout l’absolu d’une première entreprise !

En examinant ce livre, nous sommes dans une position particulière, c’est-à-dire que nous avons lu autrefois tous les livres de M. de La Mennais et que nous nous en souvenons. Cette remarque est nécessaire pour expliquer et motiver, au premier coup d’œil, certaines parties de notre jugement auprès des personnes nombreuses qui ne connaissent M. de La Mennais que par ses plus récents écrits et qui même commenceront à le connaître par celui-ci tout d’abord. L’illustre auteur, dans sa marche infatigable, peut se comparer à une comète ardente qui a successivement apparu à l’horizon de plusieurs mondes d’esprits, salué d’eux avec transport à cause de son éclat, à mesure qu’il se découvrait pour la première fois dans leur ciel. L’ayant suivi dans ses phases précédentes, avec étonnement de bonne heure, avec admiration bien longtemps, et en y joignant sympathie plus tard, selon qu’il nous semblait se plus rapprocher, pour les illuminer, de certaines idées de notre sphère, nous avons été en ces moments jusqu’à dire qu’il y avait dans son entier développement une courbe aussi vaste que réelle et régulière. Mais l’astre voyageur continuant d’aller, et notre zénith à nous-même étant brusquement dépassé, nous avons cessé de croire à une évolution continue, réglée par un secret compas. Nous