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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/266

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c’est l’influence comme atmosphérique du siècle, qui, en deux ou trois années, a rongé et pénétré cette trempe si forte, et l’a oxydée si profondément. Dans cette volonté de fer, dans cette chaîne logique d’airain, dans cette vie constamment austère et intègre, il y a eu un moment où tout s’est brisé… oui, tout !… il y a eu une paille qui a fait défaut, et les mille anneaux du métal ont jonché la terre ; et cela, pour que l’esprit du siècle à la longue eût raison, pour que sa provocation incessante et flatteuse ne restât pas vaine, pour que cette parole de M. Lerminier fût accomplie : « Il a le goût du schisme ! qu’il en ait le courage ! »

Il faut convenir qu’il y a des hommes par le monde qui ont le droit d’être fiers de ce qu’on appelle intelligence humaine et raison. Ce sont les écrivains qui, sous la Restauration, formaient le monde philosophique, dit éclectique. Attaqués, apostrophés violemment alors par le prêtre éloquent qui, d’une logique inflexible et sans leur laisser d’autre issue, les refoulait, les réduisait à Satan, à l’athéisme, à l’idiotisme, que sais-je encore ? et les traitait en un mot comme des alliés peu conséquents de la démocratie extrême et de l’incrédulité, les voilà outre-passés tout d’un bond, enjambés en quelque sorte, sans avoir été traversés par lui ; les voilà apostrophés peut-être des mêmes termes énergiques, mais en sens contraire, s’ils hésitent ou se replient. La trompette éclatante et digne de Jéricho, qui sonnait contre eux au couchant, la voilà qui résonne de plus belle à l’Orient sur le même ton et dans un camp tout différent du premier. Il y a là, convenons-en,