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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/340

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La douleur qu’elle roule était tombée au fond ;
Je ne soupçonnais pas même un lit si profond ;
Nul signe de fatigue ou d’une âme blessée
Ne trahissait en lui la mort de la pensée ;
Son front, quoiqu’un peu grave, était toujours serein ;
On n’y pouvait rêver la trace d’un chagrin
Qu’au pli que la douleur laisse dans le sourire,
À la compassion plus tendre qu’il respire.
Au timbre de sa voix ferme dans sa langueur[1]

À la fin des lettres de Jocelyn à sa sœur, après tous ces détails journaliers de prière, de travail, de charité, le curé de Valneige se représente, la nuit, veillant, agité encore, lisant tantôt l’Imitation, tantôt les poëtes :


Dans mes veilles sans fin, je ressemble, ô ma sœur,
À ce Faust enivré des philtres de l’école, etc., etc.


« Je ne voudrais pas ce Faust, » me disait une belle âme bien éclairée dans la pratique chrétienne : « quand

  1. J’arrête là ma citation, n’adoptant pas l’expression fêlure du cœur, qui se trouve dans le vers suivant. Ce rapprochement du cœur à demi brisé et d’une porcelaine (si précieuse qu’on la fasse) est d’un ordre matériel inférieur, qui déroge, selon moi, à l’impression sentimentale ; j’aimerais mieux un vers métaphysique un peu vague, qu’une image matérielle si particularisée. Ceci touche à quelques innovations contestables dans le procédé de M. de Lamartine. J’ai déjà traité ce point de style, en m’appuyant précisément de son autorité, dans l’article sur madame Desbordes-Valmore (voir ci-après) ; mais dans Jocelyn, à côté du petit nombre de ces innovations contestables, combien d’autres facile » et heureuses ! je voudrais qu’il se tînt à ces dernières :

    Tantôt lisant, tantôt écorçant quelque tige,
    Suivant d’un œil distrait l’insecte qui voltige,
    L’eau qui coule au soleil en petits diamants,
    Ou l’oreille clouée à des bourdonnements !