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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/35

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CHATEAUBRIAND.

élégante de manières, cultivée d’esprit, soupirante et silencieuse, elle souffre aussi de la sévérité absolue du maître, et partage la tristesse refoulée des siens plutôt qu’elle ne la console. Ceux qui cherchent dans les parents des grands hommes la trace et la racine des vocations éclatantes, ceux qui demandent aux mères de Walter Scott, de Byron et de Lamartine, le secret du génie de leurs fils, remarqueront ce caractère à la fois mélancolique et cultivé de madame de Chateaubriand ; ils auraient à remarquer aussi que deux des sœurs du poëte, et l’une particulièrement, ont laissé des pages touchantes ; qu’un de ses oncles paternels, prêtre, faisait des vers, et qu’un autre oncle paternel vivait à Paris, voué aux recherches d’érudition et d’histoire. Il y a toujours quelques ébauches naturelles préexistant aux apparitions sacrées.

François-Auguste de Chateaubriand naquit donc à Saint-Malo, rue des Juifs, dans une maison voisine de celle où devait naître quelques années plus tard M. de La Mennais ; il était le dernier de dix enfants, dont six vécurent, quatre sœurs et un frère, l’aîné de tous. Il eut titre le Chevalier ; son frère, le comte de Combourg (car le père de M. de Chateaubriand avait racheté l’ancienne terre de Combourg du maréchal de Duras), était destiné à être conseiller au parlement de Rennes ; le chevalier devait entrer, suivant l’usage des cadets en Bretagne, dans la marine royale. En attendant, on le mit en nourrice au village de Plancoët ; il s’attacha fort à sa bonne nourrice, la Villeneuve, qui seule le préférait ; il s’attacha d’une amitié bien délicate, en