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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/358

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L’histoire de M. de La Mennais est plus ou moins celle de chacun, de nos jours : ce qu’il résume avec fracas, et non sans grandeur, dans ses vicissitudes étonnantes, est assez bien le type auquel se rapportent nombre de destinées. Ce qui a choqué en lui, on se le permet plus ou moins en s’en applaudissant. Dans la sphère religieuse et philosophique, il lui est arrivé de tomber précisément, comme hier tel illustre qui le plaignait est lui-même tombé dans l’enceinte parlementaire : la seule différence est dans la hauteur des questions d’où chacun est tombé[1].

Dans l’ordre poétique, de même. Chute ou progrès, la variation est manifeste. Chez M. de Lamartine, on l’a dit déjà, il s’est passé depuis peu d’années une révolution intérieure, analogue à celle qui s’est opérée en l’abbé de La Mennais : il n’y a qu’à tenir compte de la différence des formes et des caractères. Les Harmonies pour l’un, le livre des Progrès de la Révolution pour l’autre, les avaient poussés à des limites qu’après Juillet ils ont aisément franchies. Chez l’un il y a eu revirement brusque et violent : chez l’autre le simple développement a suffi. Dans les Harmonies, il perce déjà beaucoup d’idées de transformation chrétienne, mais arrêtées à temps. La Lettre à M. de Cazalès sur la Politique rationnelle était encore dans cette première mesure. Mais bientôt, à voir l’exemple de M. de La Mennais, à sentir chaque matin le souffle des temps,

  1. C’est une allusion au pitoyable rôle que venait de jouer plus d’un conservateur dans ce qu’on appela la coalition, — notamment M. Guizot.