de la rue du Dragon, qu’il occupait, et celui de la rue Mézières, abandonné depuis peu et disponible ; vite il écrit à la mère de Delon, lui offrant un asile sûr pour son fils. « Je suis trop royaliste, madame, lui disait-il, pour qu’on s’avise de le venir chercher dans ma chambre. » La lettre fut simplement adressée à madame Delon, femme du lieutenant-de-roi, à Saint-Denis, et mise à la poste. Nulle réponse : Delon s’était déjà soustrait aux poursuites. Deux ans après, comme Hugo passait la soirée chez un académicien fonctionnaire mêlé à l’administration secrète, celui-ci, à propos d’un incident de la conversation, le plaisanta sur ses intelligences avec les conspirateurs, et lui fit une leçon de prudence. Hugo n’y comprenait rien : il fallut lui expliquer que, dans le temps, sa lettre avait été décachetée à la poste, et mise le soir même sous les yeux du roi Louis XVIII, comme c’était l’usage pour toutes les révélations de quelque importance[1]. Louis XVIII, après l’avoir lue, avait dit : « Je connais ce jeune homme ; il se conduit en ceci avec honneur : je lui donne la prochaine pension qui vaquera. » La lettre, recachetée par les suppôts de police, n’était pas moins arrivée à madame Delon, qui aurait pu donner dans le guet-apens. D’autre part, le brevet de pension était aussi arrivé à Victor Hugo vers l’époque où parut son premier volume d’Odes, et il avait attribué cette faveur
- ↑ Cet académicien, qui n’était autre que M. Roger, secrétaire général des Postes, lui dit en propres termes : « Mon cher ami, laissez-moi vous dire que vous êtes un innocent : vous écrivez à la mère d’un conspirateur, et vous mettez votre lettre à la poste ! »