Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
407
VICTOR HUGO.

teurs que sa gloire croissante a soulevés ; telles sont les marques de ses pas infatigables dans la carrière. Chaque degré vers le temple a son autel, et quelquefois double ; chaque année dans ses domaines a plus d’une moisson. Sa course lyrique, qui est bien loin d’être close, offre pourtant assez d’étendue pour qu’on en saisisse d’un seul regard le cycle harmonieux ; mais il n’est encore qu’au seuil de l’arène dramatique ; il y entre dans toute la maturité de son observation, il s’y pousse de toutes les puissances de son génie : l’avenir jugera. Mais revenons encore.

Depuis neuf ans, la vie de Victor Hugo n’a pas changé ; pure, grave, honorable, indépendante, intérieure, magnifiquement ambitieuse dans son désintéressement, de plus en plus tournée à l’œuvre grandiose qu’il se sent appelé à accomplir. Ses opinions politiques et religieuses ont subi quelque transformation avec l’âge et la leçon des événements ; ses idées de poésie et d’art se sont de jour en jour étendues et affermies. Sa fièvre de royalisme passée, il est revenu à la liberté, mais à la liberté vraie, plénière et pratique, à celle que bien des libéraux n’ont jamais comprise, et que nous réclamons vainement encore. En même temps que le culte d’une pâle et morte dynastie s’évanouissait dans l’âme sévère du poëte, celui de Napoléon y surgissait rayonnant de merveilles, et Victor Hugo devenait le chantre élu de cette gloire à jamais chère au siècle :

Napoléon, soleil dont je suis le Memnon !…
À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple…