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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/496

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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

grand scandale des curieux moins bien placés que lui. Mlle Valentine n’est pas telle qu’il se l’était figurée ; elle n’est ni brune, ni ardente, ni Espagnole : « Elle est blanche, blonde, calme, grande, fraîche, admirablement belle de tous points… Dans la courbure de son profil, dans la finesse de ses cheveux, dans la grâce de son cou, dans la largeur de ses blanches épaules, il y avait mille souvenirs de la cour de Louis XIV. On sentait qu’il avait fallu toute une race de preux pour produire cette combinaison de traits purs et nobles, toutes ces grâces quasi royales qui se trahissaient lentement, comme celles du cygne jouant au soleil avec une langueur majestueuse. »

Quoi qu’il en soit de l’explication dont je ne suis pas garant, la beauté fine et aristocratique de Valentine, qui ne répond point, dans le premier instant, au type rêvé de Bénédict, le gagne peu à peu, et la pauvre Athénaïs, déjà si compromise dans son cœur, lui semble une bourgeoise plus frelatée que jamais. Si les jeunes hommes de la génération de Bénédict lisaient et savaient Voltaire, il n’aurait pas manqué de se redire à lui-même, en voyant danser à ce bal de mai Mlle de Raimbault, ces vers noblement voluptueux qui eussent rassemblé pour lui comme de flottants souvenirs :

L’étranger admirait dans votre auguste cour
Cent filles de héros conduites par l’Amour,
Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes,
Ces piquantes Bouillons, ces Nemours si touchantes,
Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs.