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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/13

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et qu’on se rallia à son nom dans chaque mêlée. Les académies proposèrent à l’envi son éloge : les éditions de ses œuvres se multiplièrent ; des commentateurs distingués, MM. Viollet-le-Duc, Amar, de Saint-Surin, l’environnèrent des assortiments de leur goût et de leur érudition ; M. Daunou en particulier, ce vénérable représentant de la littérature et de la philosophie du xviiie siècle, rangea autour de Boileau, avec une sorte de piété, tous les faits, tous les jugements, toutes les apologies qui se rattachent à cette grande cause littéraire et philosophique. Mais, cette fois, le concert de si dignes efforts n’a pas suffisamment protégé Boileau contre ces idées nouvelles, d’abord obscures et décriées, mais croissant et grandissant sous les clameurs. Ce ne sont plus en effet, comme au xviiie siècle, de piquantes épigrammes et des personnalités moqueuses ; c’est une forte et sérieuse attaque contre les principes et le fond même de la poétique de Boileau ; c’est un examen tout littéraire de ses inventions et de son style, un interrogatoire sévère sur les qualités de poëte qui étaient ou n’étaient pas en lui. Les épigrammes même ne sont plus ici de saison ; on en a tant fait contre lui en ces derniers temps, qu’il devient presque de mauvais goût de les répéter. Nous n’aurons pas de peine à nous les interdire dans le petit nombre de pages que nous allons lui consacrer. Nous ne chercherons pas non plus à instruire un procès régulier et à prononcer des conclusions définitives. Ce sera assez pour nous de causer librement de Boileau avec nos lecteurs, de l’étudier dans son intimité, de l’envisager en détail selon notre point de vue et les idées de notre siècle, passant tour à tour de l’homme à l’auteur, du bourgeois d’Auteuil au poëte de Louis le Grand, n’éludant pas à la rencontre les graves questions d’art et de style, les éclaircissant peut-être quelquefois sans prétendre jamais les résoudre. Il est bon, à chaque époque littéraire nouvelle, de repasser en son esprit et de revivifier les idées qui sont représentées par certains noms devenus sacramentels, dût-on n’y rien chan-