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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/221

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gérée, mais bien vive, du sentiment de fierté qui l’ulcérait : « Que me parlez-vous de joie ? Oh ! voyez, voyez mon âme encore marquée des flétrissantes empreintes de l’esclavage, voyez ces blessures honteuses que le temps et mes larmes n’ont pu fermer encore… Laissez-moi, je veux être libre… Ah ! j’ai dédaigné de plus douces chaînes ; je veux être libre. J’aime mieux vivre avec dignité et tristesse que de trouver des joies factices dans l’esclavage et le mépris de moi-même. »

Ce fut un an environ avant de quitter ses fonctions de précepteur (1825) qu’il publia une traduction du troisième volume des Éléments de la Philosophie de l’Esprit humain, par Dugald Stewart. Ce travail, entrepris d’après les conseils de M. Cousin, était précédé d’une introduction dans laquelle Farcy éclaircissait avec sagacité et exposait avec précision divers points délicats de psychologie. Il donna aussi quelques articles littéraires au Globe dans les premiers temps de sa fondation.

Enfin, vers septembre 1826, voilà Farcy libre, maître de lui-même ; il a de quoi se suffire durant quelques années, il part ; tout froissé encore du contact de la société, c’est la nature qu’il cherche, c’est la terre que tout poëte, que tout savant, que tout chrétien, que tout amant désire : c’est l’Italie. Il part seul ; lui, il n’a d’autre but que de voir et de sentir, de s’inonder de lumière, de se repaître de la couleur des lieux, de l’aspect général des villes et des campagnes, de se pénétrer de ce ciel si calme et si profond, de contempler avec une âme harmonieuse tout ce qui vit, nature et hommes. Hors de là, peu de choses l’intéressent ; l’antiquité ne l’occupe guère, la société moderne ne l’attire pas. Il se laisse et il se sent vivre. À Rome, son impression fut particulière. Ce qu’il en aima seulement, ce fut ce sublime silence de mort quand on en approche ; ce furent ces vastes plaines désolées où plus rien ne se laboure ni ne se moissonne jamais, ces vieux murs de brique, ces ruines au dedans et au dehors ; ce soleil d’aplomb