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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/37

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PIERRE CORNEILLE

En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes : non pas ces biographies minces et sèches, ces notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est effilé en épigramme ; mais de larges, copieuses, et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour, dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres, fond véritable sur lequel ils ont pied, d’où ils partent pour s’élever quelque temps, et où ils retombent sans cesse. Les Allemands et les Anglais, avec leur caractère complexe d’analyse et de poésie, s’entendent et se plaisent fort à ces excellents livres. Walter Scott déclare, pour son compte, qu’il ne sait point de plus intéressant ouvrage en toute la littérature anglaise que l’histoire du docteur Johnson par Boswell. En France, nous commençons aussi à estimer et à réclamer ces sortes d’études. De nos jours, les grands hommes dans les lettres, quand bien même, par leurs mémoires ou leurs confessions poétiques, ils seraient