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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/407

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jamais bien distinguer de lui[1], ces auteurs nés copistes qui s’attachent à tout succès comme les mouches aux mets délicats, ces Trublets d’alors, durent par moments lui causer de l’impatience : on a cru que son conseil à un auteur né copiste (chap. des Ouvrages de l’Esprit), qui ne se trouvait pas dans les premières éditions, s’adressait à cet honnête abbé de Villiers. Reçu à l’Académie le 15 juin 1693, époque où il y avait déjà eu en France sept éditions des Caractères, La Bruyère mourut subitement d’apoplexie en 1696 et disparut ainsi en pleine gloire, avant que les biographes et commentateurs eussent avisé encore à l’approcher, à le saisir dans sa condition modeste et à noter ses réponses[2]. On lit dans la note manuscrite de la bibliothèque de l’Oratoire, citée par Adry, que madame la marquise de Belleforière, de qui il était fort l’ami, pourroit donner quelques mémoires sur sa vie « et son caractère. » Cette madame de Belleforière n’a rien dit et n’a probablement pas été interrogée. Vieille en 1720, date de la note manuscrite, était-elle une de ces personnes

  1. On lit dans les Mémoires de Trévoux (mars et avril 1701), à propos des Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère (1701) : « Depuis que les Caractères de M. de La Bruyère ont été donnés au public, outre les traductions en diverses langues et les dix éditions qu’on en a faites en douze ans, il a paru plus de trente volumes à peu près dans ce style : Ouvrage dans le goût des Caractères ; Théophraste moderne, ou nouveaux Caractères des Mœurs ; suite des Caractères de Théophraste et des Mœurs de ce siècle ; les différents Caractères des Femmes du siècle ; Caractères tirés de l’Écriture sainte, et appliqués aux Mœurs du siècle ; Caractères naturels des hommes, en forme de dialogue ; Portraits sérieux et critiques ; Caractères des Vertus et des Vices. Enfin tout le pays des Lettres a été inondé de Caractères… »
  2. Il paraît qu’une première fois, en 1691, et sans le solliciter, La Bruyère avait obtenu sept voix pour l’Académie par le bon office de Bussy, dont ainsi la chatouilleuse prudence (il est permis de le croire) prenait les devants et se mettait en mesure avec l’auteur des Caractères. On a le mot de remercîment que lui adressa La Bruyère (Nouvelles Lettres de Bussy-Rabutin, t. VIII). C’est même la seule lettre qu’on ait de lui, avec un autre petit billet agréablement grondeur à Santeul, imprimé sans aucun soin dans le Santoliana.