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Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/370

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CHARLES LABITTE


« La mort a dépouillé ma jeunesse en pleine
récolte… J’étais au comble de la muse et de l’âge
en fleur, – hélas ! et voilà que je suis entré tout
savant dans la tombe, tout jeune dans l’Érèbe ! »

(Épigramme de l’Anthologie, édit. Palat., VII, 558.)

Le moment est venu de rendre ce que nous devons à la mémoire du plus regretté de nos amis littéraires et du plus sensiblement absent de nos collaborateurs[1]. Sa perte cruelle a été si imprévue et si soudaine, qu’elle a porté, avant tout, de l’étonnement jusque dans notre douleur, bien loin de nous laisser la liberté d’un jugement. Et aujourd’hui même que le premier trouble a eu le temps de s’éclaircir et que rien ne voile plus l’étendue du vide, ce n’est pas un jugement régulier que nous viendrons essayer de porter sur celui qui nous manque tellement chaque jour et dont le nom revient en toute occasion à notre pensée. Le public lui-même a perdu en M. Charles Labitte plus que ceux qui en sont le mieux assurés ne sauraient le lui dire. Les personnes qui, sans connaître notre ami, l’ont lu pendant dix années et l’ont suivi dans ses productions fré-

  1. Ce morceau a été écrit pour la Revue des Deux Mondes et pour acquitter en quelque sorte la dette commune.