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LA PETITE FADETTE.

trique, pour appeler le diable, et lui donner, disait-il, une bonne vannée. Et on l’entendait crier dans la nuit : Viendras-tu, figure de loup ? Viendras-tu, chien enragé ? Viendras-tu, Georgeon du diable et jamais Georgeon ne vint. Si bien que ce meunier en était devenu quasi fou de vanité, disant que le diable avait peur de lui.



Landry trouva la chose bien mauvaise et attrapa le gamin. (Page 22.)

— Mais, disait Landry, ce que tu crois là, que le diable n’existe point, n’est pas déjà trop chrétien, ma petite Fanchon.

— Je ne peux pas disputer là-dessus, répondit-elle ; mais s’il existe, je suis bien assurée qu’il n’a aucun pouvoir pour venir sur la terre nous abuser et nous demander notre âme pour la retirer du bon Dieu. Il n’aurait pas tant d’insolence, et, puisque la terre est au bon Dieu, il n’y a que le bon Dieu qui puisse gouverner les choses et les hommes qui s’y trouvent.

Et Landry, revenu de sa folle peur, ne pouvait pas s’empêcher d’admirer combien, dans toutes ses idées et dans toutes ses prières, la petite Fadette était bonne chrétienne. Mêmement elle avait une dévotion plus jolie que celle des autres. Elle aimait Dieu avec tout le feu de son cœur, car elle avait en toutes choses la tête vive et le cœur tendre ; et quand elle parlait de cet amour-là à Landry, il se sentait tout étonné d’avoir été enseigné à dire des prières et à suivre des pratiques qu’il n’avait jamais pensé à comprendre, et où il se portait respectueusement de sa personne par l’idée de son devoir, sans que son cœur se fût jamais échauffé d’amour pour son Créateur, comme celui de la petite Fadette.

XXVI.

Tout en devisant et marchant avec elle, il apprit la propriété des herbes et toutes les recettes pour la guérison des personnes et des bêtes, il essaya bientôt l’effet des dernières sur une vache au père Caillaud, qui avait pris l’enflure pour avoir trop mangé de vert ; et, comme le vétérinaire l’avait abandonnée, disant qu’elle n’en avait pas pour une heure, il lui fit boire un breuvage que la petite Fadette lui avait appris à composer. Il le fit secrètement ; et, au matin, comme les laboureurs, bien contrariés de la perte d’une si belle vache, venaient la chercher pour la jeter dans un trou, ils la trouvèrent debout