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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/114

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brave homme vivait tellement à part du monde, son horizon s’était tellement rétréci, que, voulant parler de tout pour ne pas paraître trop arriéré, il montrait qu’il ne comprenait plus rien à quoi que ce fût.

Blanche, plus fine, et un peu plus époussetée par l’air du dehors, souffrait de la simplicité de son père et encore plus de l’aplomb avec lequel son mari le redressait en proclamant des notions encore plus fausses. Elle les contredisait tous les deux avec un dédain visible. Diane regrettait l’ancienne solitude de Pictordu et se demandait pourquoi elle avait quitté l’aimable causerie de son père et l’intéressante conversation du docteur, pour entendre ce trio insipide qui n’avait même pas le mérite de l’ensemble.

Elle allégua un peu de fatigue et se retira de bonne heure dans l’étroite chambrette que ses hôtes décoraient du titre de chambre d’honneur. Elle n’y put dormir. Une odeur de peinture fraîche la força d’ouvrir sa fenêtre pour échapper à la migraine.

Alors elle vit que cette fenêtre donnait sur un petit escalier extérieur collé en biais à la muraille. C’était un reste épargné de l’ancienne construction. La rampe n’était pas encore remplacée, mais la nuit était belle et claire. Diane s’enveloppa de son mantelet et descendit, contente de se trouver seule et de s’en aller, comme autrefois, à la découverte du château merveilleux de son rêve. La belle muse qu’elle regardait comme sa bonne fée ne vint pas la prendre par la main pour lui faire franchir les spi-