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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/174

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Catherine, voilà que tu t’en vas follement te faire boire par le soleil, comme il a bu tous ceux qui étaient dans le pré ! Moi, je t’aurais gardé dans mon tablier, tu ne me gênais point ; ou bien je t’aurais mis dans notre jardin, au frais, sous le gros pommier, ou enfin sur le lavoir, puisque tu aimes à dormir sur l’eau pendant la nuit. Je n’ai jamais soigné un nuage, mais j’aurais appris, et je t’aurais fait durer, tandis que te voilà tout à l’heure emporté en miettes par M. le Vent ou avalé par M. le Soleil !

Catherine écouta si le nuage lui répondrait. Elle entendit alors, au lieu d’une petite voix, une quantité de voix encore plus petites qui chantaient comme des fauvettes, mais sans qu’il fût possible de deviner ce qu’elles disaient. Et, ces voix devenant toujours plus faibles en s’éloignant, Catherine n’entendit plus rien. Elle ne vit plus rien non plus que le ciel beau et clair, sans trace d’aucun nuage. — Maman, dit-elle à sa mère, qui l’avait appelée pour déjeuner, je voudrais savoir une chose.

— Quelle chose, ma fille ?

— C’est ce que les nuages disent quand ils chantent.

— Les nuages ne chantent pas, petite niaise ; ils grognent et ils jurent quand le tonnerre se met dedans.

— Ah ! mon Dieu ! reprit Catherine, je ne pensais pas à cela… Pourvu qu’il ne se mette pas dans mon petit nuage rose !

— Quel nuage rose ? dit Sylvaine, étonnée.

— Celui qui était dans mon tablier.