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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/196

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ne filait que du chanvre pour faire de la toile forte. Elle ne s’y prit pas trop mal, et pourtant c’était si loin, si loin, de ce qu’elle eût voulu faire, qu’elle craignait de montrer son ouvrage. Elle s’attendait à des reproches ; mais la tante lui fit au contraire des compliments, disant que c’était très-bien pour un premier jour, et que ce serait mieux encore le lendemain. Catherine demandait à rester à la maison, elle eût voulu voir travailler sa tante, — Non, dit celle-ci, je ne peux pas travailler quand on me regarde. Je ne travaille d’ailleurs que dans ma chambre, et à ton âge on ne peut pas rester enfermée. Tu travailleras en te promenant ou en regardant mes vaches, comme il te plaira. Je ne t’oblige à rien, car je vois que tu n’es pas une paresseuse et je sais que tu feras de ton mieux.

Certainement Catherine n’était point paresseuse ; cependant elle était impatiente, et cette manière d’apprendre toute seule ne répondait pas à l’idée d’un grand secret qu’elle aurait reçu comme on avale une tasse de lait sucré. Elle faisait bien tous les jours un petit progrès, chaque soir elle rapportait bien son fuseau chargé d’un fil plus fin que celui de la veille ; mais elle ne s’en apercevait pas beaucoup, et au bout d’une semaine elle sentit de l’ennui et du dépit contre sa tante, dont les encouragements l’impatientaient. Renée, toute aimable et complaisante qu’elle était, la fâchait aussi par sa tranquillité. Elle avait pour devoir de soigner les animaux et le laitage. Elle ne s’intéressait pas à autre chose. Benoît n’était presque jamais là ; il vivait dans les