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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/202

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— À mon âge, lui répondit madame Colette, on ne se fatigue plus, on marche avec la volonté, et les jambes suivent sans qu’on sache si elles existent ; mais je ne viens pas du glacier, ma fille. Il n’y fait point bon en ce temps-ci. Je suis les bons sentiers, il y en a toujours quand on les connaît.

— Alors, ma grand’tante, c’est bien vous qui étiez là-haut il y a environ une heure ? J’ai vu votre capulet rouge.

— Là-haut, Catherine ? Qu’appelles-tu là-haut ?

— Je ne sais pas, dit Catherine interdite ; j’ai cru vous voir dans le ciel au-dessus des nuages.

— Qui a pu te faire croire que j’étais capable d’aller si haut que cela ? est-ce que tu me prends pour une fée ?

— Mon Dieu ! ma tante, quand vous seriez fée, qu’est-ce qu’il y aurait d’étonnant ? Je ne veux point vous fâcher. On dit qu’il y a de bonnes et de méchantes fées ; vous ne pouvez être que dans les bonnes, et les gens du village qui montent jusque par ici et que je commence à comprendre, disent avec raison que vous travaillez comme une fée.

— On me l’a dit souvent à moi-même, répondit madame Colette ; mais c’est une manière de parler, et je ne suis pas fée pour cela. Je vois que tu as une petite tête remplie d’imaginations drôles ; c’est de ton âge, et je ne voudrais pas te voir aussi raisonnable que moi, ce serait trop tôt. Pourtant un tout petit brin de raison ne te nuirait pas, ma mignonne. Je vois que tu n’as pas beaucoup appris à filer aujourd’hui !