Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/219

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n’avait jamais manqué de le trouver fort laid ; mais ce jour-là il le trouva épouvantable, et la peur qu’il en avait toujours eue devint si forte qu’il se serait sauvé, s’il n’eût pensé à ces ailes de peur qu’on lui reprochait d’avoir aux épaules.

Quand le marché fut conclu, Doucy et le tailleur se tapèrent dans la main, burent en trinquant un demi-broc de cidre, et la mère Doucette, avertie de ce qui se passait, s’en alla, sans rien dire, dans l’autre chambre pour faire le paquet du pauvre enfant que le tailleur allait lui prendre pour trois ans.

Jusque-là, Clopinet n’avait pas compris ce qui lui arrivait. Il avait bien entendu dire une ou deux fois à son père qu’on songerait à le pourvoir d’un métier manuel à cause de la faiblesse de sa jambe ; mais il ne pensait pas que cela dût être réglé sitôt et contre son gré. Donner un démenti à son père, faire résistance, c’était là une chose à laquelle il ne pouvait pas songer non plus, car il était doux et soumis, et pendant un moment il crut que rien ne serait décidé sans son consentement ; mais quand il vit sa mère sortir de la chambre sans le regarder, comme si elle eût craint de pleurer devant lui, il comprit son malheur, et s’élança après elle pour la supplier de le secourir.

Il n’en eut pas le temps. Le tailleur allongea son bras, et le saisit comme une araignée prend une mouche ; puis, le plantant sur sa bosse de derrière et lui serrant les jambes qu’il avait ramenées sur sa bosse de devant, il se leva en disant au père Doucy : — C’est bien, c’est entendu. Nous laisserons pleurer