Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/326

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rien. Miquelon était de la montagne, il demeurait loin, si toutefois il demeurait quelque part, ce qui était douteux. Je mis quelque insistance à m’informer, je m’intéressais surtout aux enfants de Miquelon, qui étaient beaux tous trois. J’avais remarqué que l’aîné, qui avait déjà une douzaine d’années, était très-fort, paraissait fier et intelligent, que par conséquent il eût pu commencer à travailler. J’avais fait reproche aux parents de n’y pas songer. Miquelon avait reconnu son tort, il m’avait promis de ne pas trop prolonger cette école de la mendicité, qui est la pire de toutes. Je lui avais offert de contribuer et de faire contribuer quelques personnes à l’effet de placer cet enfant dans une école ou dans une ferme. Miquelon n’était pas revenu.

Quinze ans plus tard, ayant depuis longtemps quitté ce beau pays, je m’y retrouvai de passage, et, comme je pouvais disposer de quelques jours, je ne voulus pas quitter les Pyrénées sans les avoir un peu explorées. Je revis avec joie une partie des beaux sites qui m’avaient autrefois charmé.

Un de ces jours-là, voulant aller de Campan à Argelez par un chemin nouveau pour moi, je m’aventurai à pied dans les vallées encaissées entre les contre-forts du pic du Midi et ceux du pic de Mont-Aigu. Je ne pensais pas avoir besoin de guide : les torrents, dont je n’avais qu’à suivre le lit avec mes jambes ou avec mes yeux, me semblaient devoir être les fils d’Ariane destinés à me diriger dans le labyrinthe des gorges. J’étais jeune encore, rien ne m’arrêtait : aussi, quand j’eus gravi jusqu’au charmant