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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/352

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voulais calculer, chose bien impossible, combien il me faudrait d’heures de travail pour déblayer ma rencluse. Si j’avais su, comme je le sais aujourd’hui, mettre des chiffres sur du papier les uns au-dessous des autres, l’entreprise n’eût pas été absolument déraisonnable ; mais je ne savais que les mettre dans ma tête les uns au bout des autres, et j’en eus pour longtemps. Je ne m’y pris pourtant pas trop mal, je mesurai patiemment avec mon bâton la superficie du terrain, et, gravant mes nombres avec la pointe de mon couteau sur une roche tendre, inventant des signes à mon usage pour remplacer les chiffres, par exemple une croix simple pour 100, une croix double pour 200, et ainsi de suite, je parvins dans la journée non à savoir, mais à supposer sans trop d’erreur, combien de mètres je possédais en long et en large. Les jours suivants, il s’agit de calculer combien je mettrais de temps pour faire l’ouvrage facile. Je trouvai deux ans, à cinq mois de travail par an, vu que la neige n’en permet pas davantage. Il s’agissait ensuite d’évaluer là durée du travail difficile, et pour cela il fallait l’entreprendre.

J’empruntai à mon hôte une masse de fer, et j’attaquai les grosses pièces. C’était de la roche calcaire pas trop dure, et je fis ce travail de cantonnier sans m’apercevoir de la fatigue. J’étais heureux et fier de mettre en miettes le gros ventre du géant. Je voulais faire mon mètre dans la journée, je le fis. Alors je me trouvai si las que je ne songeai point à descendre et résolus de passer encore la nuit chez moi, afin d’être tout rendu le lendemain.