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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/95

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la forme dans l’art le prenait au dépourvu, lui qui l’avait toujours escamotée pour faire ressortir l’ajustement. Il s’apercevait d’une baisse croissante dans la vogue dont il avait joui. Il avait essayé d’augmenter ses exigences au moment où l’on était moins disposé à le payer cher, et comme il eût été humilié de consentir à un rabais, il voyait rapidement diminuer sa clientèle. On commençait à connaître et à estimer le talent de sa fille et on ne craignait pas de lui dire qu’il devrait se faire aider, au besoin remplacer par elle. Certes, le pauvre homme n’était pas jaloux du talent de sa chère Diane, mais, à aucun prix, il ne voulait qu’elle interrompît ses libres et fécondes études pour s’adonner au métier, pour gagner de l’argent et réparer les sottises de madame Laure.

Durant ces deux années que je vous résume, la position de l’artiste devint très-grave. Il eût voulu tout sauver par un travail énergique, il se fût volontiers tué à la peine, mais la chose qu’il avait le moins prévue lui arrivait. Le travail lui manquait de plus en plus. Incapable de mettre de l’économie dans ses dépenses, madame Laure avait retiré de la communauté son petit avoir et s’était retirée à Nîmes, chez ses parents, où elle se tenait les trois quarts de l’année, ne se montrant qu’à de courts intervalles avec son mari, et le reste du temps dépensant en robes neuves le peu qu’elle possédait, au lieu de le sacrifier pour alléger les embarras du ménage. Diane voyant son père délaissé, triste et seul ; avait repris chez lui son domicile et partageait son temps entre lui et le docteur. On avait renvoyé presque tous les