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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/39

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

moi, ce père m’eût de lui-même ramené l’enfant. Il le voulait, il l’avait voulu. L’avocat — le conseil — ne voulait pas. Ils appelaient donc du jugement, et ce jugement n’était pas exécutoire sur-le-champ. J’écrivais en vain à ce dur et froid avocat que ma pauvre petite était mal soignée, triste et comme consternée dans cette pension où il l’avait mise, lui ! Et, pendant ces pourparlers, le père faisait sortir sa fille, en plein janvier, sans s’apercevoir qu’elle était en robe d’été. Le soir, il la ramène malade à la pension et s’en va chasser loin de Paris, on ne sait où. L’enfant avait la scarlatine. Elle en guérit très vite, mais le médecin de la pension juge qu’elle peut sortir de l’infirmerie. Il faut au moins quarante jours de soins extrêmes et d’atmosphère égale. On n’en a pas tenu compte. On a appelé sa mère et on a consenti à lui laisser soigner l’enfant quand on l’a vue perdue. Elle est morte dans ses bras en souriant et en parlant, étouffée par une enflure générale, sans se douter qu’elle fût malade, mais frappée de je ne sais quelle divination et disant d’un air tranquille : « Non, va, ma petite maman, je n’irai pas à Nohant, je ne sortirai pas d’ici, moi ! » — Ma pauvre fille me l’a apportée, elle est à Nohant ! — Elle a de la force et de la santé, Dieu merci ; moi, j’ai eu du courage, je devais en avoir ; mais, maintenant que tout est calmé, arrangé, et que la vie recommence avec cet enfant supprimé de ma vie…, je ne peux pas vous dire ce qui se passe en moi, et je crois qu’il vaut mieux ne pas le dire. — Ce que