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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/136

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peinture de la Révolution. Il me suffit d’en tirer la moralité, et ça n’est pas malin, puisque tout le monde est d’accord sur 89. En mettant les passions dans la bouche d’un fou que nous rendrons intéressant quand même, nous ne choquerons personne.

Pourquoi Cadiou ne serait-il pas une espèce de Marat et de Bonaparte en même temps ? pourquoi n’aurait-il pas des instincts sublimes et misérables ? Il faut voir ici les choses de plus haut que l’histoire écrite. Il y avait en France alors des milliers de Bonaparte, des milliers de Marat, des milliers de Hoche, des milliers de Robespierre et de Saint-Just, lequel, par parenthèse, était un fou aussi. Seulement ces types, plus ou moins réussis par la nature, et plus ou moins effacés par les événements, s’appelaient Cadiou, Motus ou Riallo ou Garguille, ils n’en existaient pas moins. Les idées et les passions qui remirent un peuple en émoi, une société en dissolution et en reconstruction, ne sont pas propres à un homme ; elles sont résumées par quelques hommes plus tranchés que les autres. Tu m’as donné l’idée de faire de Cadiou le héros de la pièce, c’est une idée excellente. Laisse-moi l’envisager comme elle me vient et en tirer parti. Il sera l’image et le reflet du passé et de l’avenir, il traversera le présent sans le comprendre, comme un homme ivre. Ce sera très original et très beau. Je me fiche bien de

    plus tard que, réduit aux proportions scéniques, l’ouvrage fut joué à la Porte-Saint-Martin.