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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/142

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épreuve photographique d’un dessin de Marchal, qui a été ressemblant aussi ; mais, d’année en année, on change. L’âge donne sans cesse un autre caractère à la figure des gens qui pensent, et c’est pourquoi leurs portraits ne se ressemblent pas longtemps. Je rêvasse tant, et je vis si peu, que je n’ai parfois que trois ans. Mais, le lendemain, j’en ai trois cents, si la rêverie a été noire. N’est-ce pas la même chose pour vous ? Ne vous semble-t-il pas, par moments, que vous commencez la vie sans même savoir ce que c’est, et, d’autres fois, ne sentez-vous pas sur vous le poids de plusieurs milliers de siècles, dont vous avez le souvenir vague et l’impression douloureuse ? D’où venons-nous et où allons-nous ? Tout est possible, puisque tout est inconnu.

Embrassez pour moi la belle et bonne maman que vous avez. Je me fais une joie d’être avec vous deux. Tâchez donc de retrouver cette blague sur les pierres celtiques, ça m’intéresserait beaucoup. Avait-on, quand vous les avez vues, ouvert le galgal de Lockmariaker et déblayé le dolmen auprès de Plouharnel ? Ces gens-là écrivaient, puisqu’il y a des pierres couvertes d’hiéroglyphes, et ils travaillaient l’or très bien, puisqu’on a trouvé des torques[1] très bien façonnées.

Mes enfants, qui sont, comme moi, vos grands admirateurs, vous envoient leurs compliments, et je vous embrasse au front, puisque Sainte-Beuve a menti.

G. SAND.
  1. Colliers gaulois.