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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/367

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DCCXXIII

À MAURICE SAND, À NOHANT


Paris, 23 février 1870.


J’ai été dîner aujourd’hui chez Magny pour la première fois depuis huit jours ; ça m’a réconfortée : j’étais un peu lasse de poulet froid.

J’ai avalé mes quatre heures de répétition. Demain mercredi, répétition générale, lumières, décors et costumes. Ça va très bien maintenant ; on pleure beaucoup, on rit aussi. Vendredi, sans faute, première représentation.

J’ai distribué presque toutes mes places aujourd’hui, le reste partira demain. Me voilà dans le coup de feu de la fin ; mais c’est le moment du calme, de l’attention et de la présence d’esprit. Pas plus émue qu’à l’ordinaire ; c’est le départ d’une course en ballon. On fait de son mieux pour bien marcher, mais on ne gouverne pas les éléments, et, comme tout peut craquer, il n’y faut pas penser. Mes artistes commencent à pâlir, à trembler, à devenir nerveux. C’est ce qu’il leur faut, à eux, ils ont besoin de fièvre. Moi, il ne m’en faut pas, je n’en ai pas.

Je pense à mes chères cocotes qui dormiront comme des anges pendant qu’on beuglera, en bien ou en mal, autour de la bonne mère.