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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/101

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tend à prendre le dessus ; mais j’en crains un pire : c’est l’instinct égoïste et lâche ; c’est l’ignoble corruption des faux patriotes, des ultrarépubticains qui crient à la vengeance et qui se cachent ; bon prétexte pour les bourgeois qui veulent une forte réaction. Je crains que nous ne soyions même pas vindicatifs, — tant ces fanfaronnades doublées de poltronnerie nous dégoûteront et nous pousseront à vivre au jour le jour comme sous la Restauration, subissant tout et ne demandant qu’à nous reposer.

Il se fera plus tard un réveil. Je n’y serai plus, et toi, tu seras vieux ! Aller vivre au soleil dans un pays tranquille ! Où ? quel pays va être tranquille dans cette lutte de la barbarie contre la civilisation, lutte qui va devenir universelle ? Le soleil lui-même n’est-il pas un mythe ? ou il se cache ou il vous calcine, et c’est ainsi de tout sur cette malheureuse planète. Aimons-la quand même et habituons-nous à y souffrir.

J’ai écrit jour par jour mes impressions et mes réflexions durant la crise. La Revue des Deux Mondes publie ce journal. Si tu le lis, tu verras que partout la vie a été déchirée à fond, même dans les pays où la guerre n’a pas pénétré.

Tu verras aussi que je n’ai pas gobé, quoique très gobeuse, la blague des partis. Mais je ne sais pas si tu es de mon avis, que la liberté pleine et entière nous sauverait de ces désastres et nous remettrait dans la voie du progrès possible. Les abus de la liberté ne me font pas peur par eux-mêmes ; mais ceux qu’ils