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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/141

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DCCCXIV

À MADAME EMMELINE RAYMOND, À PARIS


Nohant, 18 juin 1871.


Madame, vous êtes remplie de cœur et d’intelligence : aussi vous aimez vos semblables, et leurs crimes vous révoltent, leurs égarements vous laissent stupéfaite. Quant à l’étonnement, je vous en offre autant. Comprendre l’amour du mal est impossible à qui a l’amour du bien. Mais nous voilà forcées de constater des faits et de savoir qu’il y a des méchants en nombre, des fous en très grand nombre, des idiots en nombre immense. Il ne faut pas que cela ébranle notre foi au progrès, notre respect pour la liberté, notre espoir en Dieu, c’est ainsi que nous désignons une notion du beau et du bien dont l’idéal nous apparaît toujours au milieu de nos désespoirs et de nos épouvantes. Je me vanterais si j’avais l’orgueil de vous dire que mon âme n’est ni troublée ni ébranlée par ces orages. Mais je travaille, je crois que nous devons travailler tous et toutes à reprendre possession de nous-mêmes, à forcer notre raison, notre conscience, notre charité à reprendre leur chemin et leur but. Soyons pour le peuple ce que nous étions avant sa chute, sauf beaucoup d’illusions dont la perte doit nous instruire. Ne