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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/377

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Je ne dis pas que l’humanité soit en route pour les sommets. Je le crois malgré tout ; mais je ne discute pas là-dessus, c’est inutile, parce que chacun juge d’après sa vision personnelle et que l’aspect général est momentanément pauvre et laid. D’ailleurs, je n’ai pas besoin d’être certaine du salut de la planète et de ses habitants pour croire à la nécessité du bien et du beau ; si la planète sort de cette loi, elle périra ; si les habitants s’y refusent, ils seront détruits. D’autres astres, d’autres âmes leur passeront sur le corps, tant pis ! Mais, quant à moi, je veux graviter jusqu’à mon dernier souffle, non avec la certitude ni l’exigence de trouver ailleurs une bonne place, mais parce que ma seule jouissance est de me maintenir avec les miens dans le chemin qui monte.

En d’autres termes, je fuis le cloaque et je cherche le sec et le propre, certaine que c’est la loi de mon existence. C’est peu d’être homme ; nous sommes encore bien près du singe, dont on dit que nous procédons. Soit ; raison de plus pour nous éloigner de lui et pour être au moins à la hauteur du vrai relatif que notre race a été admise à comprendre ; vrai très pauvre, très borné, très humble ! Eh bien, possédons-le au moins autant que possible et ne souffrons pas qu’on nous l’ôte.

Nous sommes, je crois, bien d’accord ; mais je pratique cette simple religion et tu ne la pratiques pas, puisque tu te laisses abattre ; ton cœur n’en est pas pénétré, puisque tu maudis la vie et désires la mort