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Page:Sand - Histoire du veritable Gribouille.djvu/90

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HISTOIRE

et tu resteras avec nous si tu veux ; mais écoute ce que j’ai à te dire, et tu verras ce que tu as à faire :

« Le pays où tu es né, et qui aujourd’hui a pris définitivement le nom de royaume des bourdons, parce que M. Bourdon y a été nommé roi, était, avant ta naissance, un pays comme les autres, mêlé de bien et de mal, de bonnes et de mauvaises gens. Tes parents n’étaient pas des meilleurs, leurs enfants leur ressemblaient. Tu vins le dernier, et, par un bonheur extraordinaire, je vins à passer au moment de ta naissance dans la forêt où demeurait ton père. Ta mère était au lit, ton père t’examinait et te trouvait plus chétif que ses autres enfants : « Ma foi, disait-il d’une voix grondeuse sur le seuil de sa porte, voilà un marmot qui me coûtera plus qu’il ne me rapportera. Je ne sais à quoi a pensé ma femme de me donner un fils si petit et si vilain ; si je ne craignais de la fâcher, je le ferais noyer comme un petit chat. » Je passais alors sur le ruisseau, sous la forme d’une demoiselle bleue, déguisement que je suis forcée de prendre quand je crains la rencontre du roi des bourdons. Je savais bien que ton père ne te ferait pas mourir, mais je compris qu’il n’était point bon et qu’il ne t’aimerait guère. Je ne pouvais empêcher ce malheur ; mais le besoin que j’ai de faire toujours du bien là où je passe, me donna l’idée de t’adopter pour mon filleul et de te douer de douceur